Le Songe du Nègre
Sur le sable brûlant un esclave étendu
Demandait au sommeil l'oubli de sa misère,
L'oubli du châtiment sans cesse suspendu,
Et du rude labeur, son lot sur cette terre :
Il rêvait qu'au pays il était de retour,
Au pays, cher berceau de son heureuse enfance.
Dans ses bras son enfant livrait avec amour
Son sourire aux baisers qu'avait taris l'absence.
Sa Nelly prés de lui contemplait à genoux
Ce tableau Si touchant, et pleurait de tendresse;
Un seul mot, un regard à son coeur étaient doux:
C'était sa bonne part de joie et de caresse
Puis montant sa cavale aux longs crins tressés d'or,
Le nègre poursuivait sur les rives du fleuve
Le flamant empourpré dont il hâtait l'essor,
Ou bien chassait le lion, du brave digne épreuve.
Mais son âme s'émut d'une noble fierté,
Quand des vastes forêts mille bouches puissantes
Poussèrent à lenvi le cri de liberté,
Redit par les échos aux voix retentissantes !
Et ce cri fut si fort que, malgré son sommeil,
Son corps en tressaillit, et qu'un sourire étrange
Sur sa bouche courut, comme si le réveil
L'arrachait à ce songe, envoi de son bon ange.
Hélas il ne sent plus le fouet du commandeur
Ni du soleil ardent la dévorante flamme.
La mort avait guéri les tourments de son coeur
Et brisé tous ses fers en déliant son âme.
EUGENE GOUBERT.
Traduction libre de Longfellow, poète américain.)
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