Scriptmania
ANTHROPOMORPHISME ET ANICONISME
DANS L'ANTIQUITÉ ORIENTALE (suite)
2. A l'époque d'Uruk, le Roi-prêtre, figure majeure de la civilisation potentiellement historique de type sumérien, a pu jouer le rôle de maître des animaux (fig. 2). Il jouait de facto le rôle d'époux divin d'une femme intimement associée à la hampe symbolique de la déesse Inanna, et donc d'époux de cette déesse elle-même (fig. 3). Le plus souvent, cette femme n'apparaissait pas dans les cérémonies
Fig. 2. - Sceau-cylindre d'Uruk, fin IVe millénaire. Le Roi-prêtre maître des animaux. Musée de Berlin. P. AMIET, La Glyptique mésopotamienne archaique, fig. 636.
Fig. 3. - Sceau-cylindre d'Uruk, fin IVe millénaire. Rencontre nuptiale du Roi-prêtre et de son épouse. British Museum 116721. P. AMIET, La Glyptique mésopotamienne archaïque, fig. 649.
du culte concernant cependant la déesse, puisque cette hampe symbolique, modèle de l'idéogramme de son nom, y figurait. La présence divine semble avoir été symbolisée le plus souvent par un habitacle fermé. De nombreuses scènes animalières sont centrées sur un tel habitacle (ou une étable), éventuellement flanqué ou surmonté de hampes emblématiques. Ces scènes illustrent donc une forme d'aniconisme 4 hérité de la préhistoire.
3. À Ur au début du IIIe millénaire (fig. 4), on reconnaît devant un tel habitacle un potentat analogue au Roi-prêtre, mais objet du culte célébré par un libateur, et donc apparemment divinisé. En outre, il est associé à un oiseau mythique faisant figure de gardien de son domaine 5
Fig. 4. - Empreinte archaïque d'Ur. Début lIle millénaire. Culte rendu au roi déifié. P. AMIET, La Glyptique mésopotamienne archaique, fig. 823.
4. À l'époque des dynasties archaïques, connue par les premiers textes littéraires, des dieux pour la première fois dotés d'attributs spécifiques, ont été représentés trônant comme des potentats humains. Ils font figure d'héritiers du Roi-prêtre représenté à Ur (fig. 4) qui comme eux a dû jouer le rôle de ces dieux 6 (fig. 5). L'anthropomorphisme divin apparaît ainsi comme solidaire assez tardivement de l'institution royale, elle-même caractéristique de la forme de civilisation potentiellement historique. Rien n'indique dans l'iconographie de ces premiers dieux proprement dits une maîtrise quelcouque du cosmos ou de certaines de ses composantes. En particulier, rien dans la femme jouant le rôle d'épouse divine, à Uruk (fig. 3), n'implique une relation avec la planète Vénus, alors même que l'identification avec Inanna est directement impliquée par la hampe emblématique dont les scribes ont pris modèle pour l'idéogramme de la déesse. La façon même dont étaient conçues les plus anciennes divinités mentionnées dans les inscriptions les plus archaïques est ainsi mise en cause.
Fig. 5. - Sceau-cylindre. Époque dynastique-archaïque 111, vers 2500 av. J.-C. Culte rendu à un dieu paré de son attribut, la tiare à cornes. Musée de Berlin. P. AMIET, La Glyptique mésopotamienne archaïque, fig. 1358.
5. Mais simultanément, peu avant le milieu du IIIe millénaire, un dieu seul ou en famille a été représenté comme se manifestant dans le ciel, à bord d'un esquif animé ou dieu-bateau, entouré de figures symboliques des éléments cosmiques 7 (fig. 6). La concentration des prérogatives et des références cosmiques très diverses, et cependant simultanées, incite à reconnaître dans ce type de figure l'expression d'une conception hénothéiste de la divinité maîtresse du monde.
Fig. 6. - Sceau-cylindre. Époque dynastique-archaïque 111, vers 2500 av. J.-C. Dieu-bateau et culte autour d'un édicule. Collection particulière, P. AMIET, La Glyptique mésopotamienne archaïque, fig. 1784.
6. À l'époque d'Agadé enfin, des dieux anthropomorphes ont été présentés comme solidaires personnellement d'éléments cosmiques gardés ou personnifiés par les figures mythiques, généralement monstureuse, élaborées à l'époque précédente.
4 P. AMIET, OP. cit., p. 490 et: La Glyptique mésopotamienne archaïque, Paris 1980, fig. 644-651 : rencontre nuptiale. Fig. 642; 643; 652; 656 : culte aniconique. Fig. 385-395; 427-428; 625; 627, etc., habitacle et animaux.
5 P. AMIET, op. cit. (RB, CII 1995), p. 492, note 45.
6 P. AMIET, op. cit., p. 494.
7 P. AMIET, op. cit., p. 495, note 63.
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