Scriptmania
ANTHROPOMORPHISME ET ANICONISME
DANS L'ANTIQUITÉ ORIENTALE (suite)
Les deux générations divines des dieux âgés et inactifs comme des potentats (cf. fig. 5), et des dieux jeunes et actifs comme le roi guerrier (fig. 7), dans les thèmes de l'épiphanie printanière et des combats destructeurs, en été 8, illustrent un temps mythologique, correspondant à une pensée théologique complexe. Et cette pensée apparaît comme le point de départ des développements ultérieurs de la mythologie suméro-babylonienne, connue par la littérature.
Fig. 7. - Sceau-cylindre d'Ur, époque d'Agadé, vers 2250 av. J.-C. Les jeunes dieux solaires, dont l'un est vainqueur d'un dieu, rendent hommage au dieu des flots. C. L. WOOLLEY, Ur Excavations, II. The Royal Cemetery (1934), pl. 215, n° 364.
Cette iconographie se figea dans une large mesure dès l'époque d'Agadé, en restant même inachevée et en s'appauvrissant fortement. Elle se perpétua ainsi jusqu'à son extinction à l'époque perse. On peut expliquer 9 l'interruption du processus d'élaboration au IIIe millénaire en supposant que l'expression écrite de la pensée théologique avait pris le relais de l'expression figurative, avec ses dieux anthropomorphes, déterminés par des animaux ou des monstres et des génies gardiens de leur domaine cosmique. La crise morale qui suivit l'effondrement de la Première Dynastie de Babylone au début du xvie siècle dot cependant avoir un retentissement sur la conception de la divinité telle qu'elle fut exprimée dans l'art représenté majoritairement, à l'époque des Kassites, par les chartes de dotation appelés kudurru. Sur ces monuments fort nombreux 10, l'anthropomorphisme n'apparaît plus comme référence essentielle,
de sorte que les vieux animaux-attributs joints à des figures symboliques souvent nouvelles, telles que la bêche marrû de Marduk, furent préférés pour évoquer les divinités garantes de ces chartes. Et ces symboles purent recevoir un culte, donc être substitués aux effigies divines, par exemple sur l'autel voué par Tukulti Ninurta Ier d'Assyrie 11. Ces symboles sont donc tout différents des emblèmes tels que les hampes d'Inanna, à l'époque d'Uruk, jamais honorés de la sorte (fig. 2, 3). Sur les sceaux, il peut arriver que le temple, avec ses monstres gardiens, soit le seul symbole de la divinité désignée par ces derniers 12, ce qui renoue avec une tradition remontant aux origines de cette iconographie, pour évoquer la divinité sans la représenter sous forme humaine 13. Finalement, les effigies divines assez nombreuses en Assyrie, sont relativement rares à l'époque néo-babylonienne, car elles sont remplacées le plus souvent par leurs symboles, objets du culte 14. Parmi ces figures, le croissant lunaire, le disque radié et plus rarement, le foudre et une paire de cornes, sont parfois portés par un objet semi-ovoïde qui nous paraît identifiable à une pierre, donc à un bétyle 15 (fig. 9). C'est en Babylonie la plus ancienne représentation d'un tel type de symbole, tardive en somme (VIe siècle). Son apparition peut être attribuée à l'irruption massive de nomades, plus précisément aux Araméens qui l'auront introduit depuis leur berceau occidental. Cependant, dès le XIIe siècle, l'Élamite Shilhak Inshushinak avait voué à Suse son célèbre Sit Shamshi 16, maquette de lieu de culte à ciel ouvert où est illustrée la cérémonie du " Lever du soleil".8 p. AMIET, op. cit., p. 497~499.
9 P. AMIET, op. cit., p. 499.
10 Ursula SEIDL, " Die Babylonischen Kudurru-Reliefs.. Baghdader Mitteilunger, Band 4 (1968), p. 97 s.
11 Walter ANDRAE, Die Jungeren Ischtar-Tempel in Assur (WVDOG, 58), Leipzig, 1935, Tf 30 et p. 67-71.
12 W. ANDRAE, op. cit., p. 16, Abb. 2.
13 Supra, note 4 et P. AMIET, La Clyptique mésopotamienne archai'que, 2e éd., Paris 1980, p. 87 8.; fig. 642, et déjà à la fin des temps préhistoriques: fig. 1559; 1578.
14 Notamment sur les cachets apparus en Mésopotamie à la fin du Vllle S.: Briggs BUCHANAN et P. R. S. MOOREY, Catalogue of Ancient Neur Eastern Seuis in the Ashmolean Museum, III. The Iron Age Stamp-Seals, Oxford, 1988, p. 53 s.
15 W. H. WARD, The Seal Cylinders of Western Asia, Washington, 1910 fig. 544 546-550; 552; 554; 555; 556. P. AMIET, Bas-reliefs imaginaires de l'ancien Orient d'après les cachets et les sceaux-cylindres. Paris, 1973, n° 533, où nous avons proposé cette identification.
16 J. E. GAUTIER, " Le 'Sit Samsi' de Silhak In Susinak ".. Mémoires de la Délégation en Perse, XII, 1911, p. 144 s.
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