Scriptmania
ANTHROPOMORPHISME ET ANICONISME
DANS L'ANTIQUITÉ ORIENTALE (suite)
Deux stèles s'y dressent à côté d'offrandes et d'un bosquet, entre deux édifices. Le rapprochement n'a pas manqué d'être fait avec les massebath dressées sur les hauts lieux bibliques, caractéristiques des cultes de l'Ouest sémitique, ce qui paraît impliquer des relations précoces, attribuables à des nomades apparentés aux Araméens. Cependant, un processus similaire indépendant peut aussi bien être envisagé, car en Élam aussi, dès une époque voisine, les reliefs rupestres de Kul-i Farah près d'Izeh/Malamir 17, dans les monts Bakhtiari, illustrent des scènes de culte dans lesquelles les divinités
Fig. 8. - Sceau-cylindre, époque du classicisme syrien, XVIIIe s. av. J.-C. La déesse nue portée par le taureau, animal-attribut du dieu de l'orage. E. PORADA, The Pierpont Morgan Library Collection. Washington, 1948, n° 944.
Fig. 9. - Sceau-cylindre neo-babylonien, VIe s av. J.-C. Culte rendu à deux emblèmes: croissant lunaire porté par un bétyle-aérolithe (?) et arme divine à tête de fauve. A. MOORTGAT, Stuatliche Museen Berlin. Vorderasiatische Rollsiegel (1940), n° 754.
honorées ne sont ni représentées sous forme humaine, ni symbolisées de quelque manière que ce soit. Si l'on songe que précédemment, vers le XVIIe siècle, sur les reliefs de Kurangun et de Naqsh-i Rustem 18, les dieux étaient représentés de façon très traditionnelle, une évolution mentale semble avérée, qui aurait inauguré la tradition de l'aniconisme des Perses (Hérodote I, 131), lesquels devaient être en forte proportion des Élamites acculturés par des immigrés iraniens 19. Cette tradition semble s'être développée en milieu nomade montagnard devenu indépendant de la civilisation urbaine dont était précédemment solidaire la tradition de l'anthropomorphisme, en Elam comme dans la proche Mésopotamie. Et cette évolution semble totalement indépendante de celle des Sémites de l'Ouest.
À l'époque de leur première urbanisation au Bronze ancien, l'iconographie de ces derniers 20 révélait, avec l'absence d'écriture, puis l'adoption ponctuelle, à Ebla, de l'écriture sumérienne, un retard, c'est-à-dire un archaïsme de type préhistorique tel que l'anthropomorphisme ne s'y imposa, pour les dieux, qu'au début du IIe millénaire. Le couple du dieu de l'orage et de la déesse qui se dévoile à la manière d'une hiérodule, illustre une pensée religieuse bien moins élaborée qu'en Mésopotamie. Le jeune dieu en attitude guerrière personnifiait pour la première fois, au Levant, une puissance de fécondité symbolisée plus sommairement par son animalattribut, le taureau, qui était associé à la déesse, puisqu'il pouvait la porter lors de leur épiphanie commune (fig. 8). Ce symbolisme animalier était différent de celui des monstres ou animaux-gardiens du domaine cosmique des dieux mésopotamiens; il était apparemment plus élémentaire. Or simultanément, mais déjà auparavant, les symboles encore plus sommaires, inanimés puisque aniconiques, qu'étaient les pierres levées dressées dans les lieux de culte 2l, paraissent avoir exprimé de façon propre aux pays du Levant cet archaïsme hérité des temps préhistoriques et qui se perpétua longuement. Au point de rencontre des deux mondes, mésopotamien et sémitique de l'Ouest, Mari a livré les témoins les plus anciens et les plus significatifs de la coexistence des deux traditions, de l'anthropomorphisme et de l'aniconisme.
17 L. VANDEN BERGHE, " Les reliefs élamites de Malamir .. Iranica Antiqua," 3 (1963) p. 30-32 et pl. XVI-XVIII.
18 Ursula SEIDL, Die Elamischen Felsreliefs von Kurangun und Naqs-E Rustam. Iranische Denkmaler, 12 (II) Berlin, 1986.
19 P. AMIET, " Sur l'histoire élamite ". Iranica Antiqua, XXVII (1992), p. 93.
20 P, AMIET, op. cit. note 1: RB, 1995, p. 499-500.
21 Tryggve N. D. METTINGER, No Craven Image ? Israelite Aniconism. In Its Ancient Near Eastern Context. Coniectanea Biblica. Old Testament Series, 42. Stockholm 1995.
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