Scriptmania

 

 

"La naissance de l'écriture ou la vraie révolution"

L'Histoire est sœur de l'écriture M.-J. LAGRANGE

SOMMAIRE

L'histoire humaine a été rythmée par une suite de "révolutions", ou plus exactement de mutations dont la plus décisive a été non-pas celle du néolithique, mais celle de la naissance de l'écriture, en Sumer et en Égypte. Elle a été liée à l'essor de la civilisation potentiellement puis effectivement historique, dont la sénescence a suscité une dernière grande mutation, d'où est sortie l'Antiquité classique. Chacune de ces mutations a été marquée par l'oubli des temps révolus, dont cependant étaient conservés les acquis.

SUMMARY

- Human history has been rhythmed by on-going "revolutions", or more precisely, mutations, of which the more decisive was not the neolithic one, but the one arising of the art of writing, in Sumer and in Egypt. It was linked to the rise of historical Civilisation, whose ageing was the opportunity for the big, and last, mutation, from which emerged the Classical Antiquity. Each mutation has been marked by the oblivion of former times, whose acquired knowledge was still preserved.

 

Tout au moins dans notre ancien monde, réparti autour de la Méditerranée, I'histoire de l'humanité est couramment divisée en deux grandes parties de longueur très inégale, séparées par un événement réputé décisif, dont nous serions toujours tributaires: la Révolution néolithique, depuis laquelle l'homme cessa de vivre en prédateur. Spécialiste de la préhistoire européenne, Gordon Childe 1 lança cette idée devenue presque un lieu commun et fondée sur une comparaison très neuve en son temps, avec la Révolution industrielle.

Il eut l'intelligente curiosité de s'intéresser aussi au Proche-Orient, où il pensait qu'avait dû se produire cette mutation pour la première fois. Il s'efforça de définir les conditions et les circonstances de sa plus ancienne manifestation, dans un aperçu forcément théorique, marqué par l'influence d'un marxisme redoutablement simplificateur. Si ses hypothèses diffusionnistes et relatives en particulier à la priorité de la maitrise de la subsistance par rapport à la sédentarisation de l'homme, n'ont pas résisté à la découverte effective de ses premiers témoins dans la steppe syrienne 2, le principe d'une " révolution " néolithique n'en a pas moins été largement admis.

Toutefois, poursuivant sa méditation sur l'histoire humaine, Childe avait reconnu ensuite une seconde "révolution", d'importance à peine moindre à ses yeux, et qu'il avait définie comme 3. Elle était survenue pour la première fois au IVe millénaire avant J.-C., simultanément en Mésopotamie sumérienne et en Egypte pharaonique, et avait été marquée, entre autres, par la naissance de l'écriture. Cependant, cette idée intéressa peu les spécialistes de l'Europe préhistorique, qu'elle semblait apparemment ne pas concerner. Or les découvertes récentes invitent à la considérer plutôt comme une intuition géniale, correspondant à une réalité bien plus décisive que la " révolution néolithique ". Cette dernière, en effet, se développa longuement, au cours de quelque cinq millénaires, depuis sa préparation lors de l'attachante époque natoufienne aux Xe et IXe millénaires. Par suite, elle ne dut guère apparaitre comme soudaine et brutale qu'aux yeux du préhistorien habitué à considérer le développement humain lié aux périodes géologiques, au cours de dizaines ou de centaines de millénaires 4. Et dans ces conditions, elle peut difficilement avoir été perçue clairement par ses acteurs eux-mêmes, très proches des chasseurs et cueilleurs épipaléolithiques. Elle se prolongea au cours de l'époque dite chalcolithique, jusqu'en plein IVe millénaire, sans être modifiée de façon sensible par le premier essor de la métallurgie.

 

1 Gordon CHILDE, A New. Light on the Most Ancien East. 1934. Traduction française: L'Orient préhistorique. Paris, 1935, p. 51.

2 Jacques CAUV[N, Les premiers villages de Syrie-Palestine du IXe au VIIe millénaire av. J.-C. Lyon, 1978, p. 20-21.

3 Gordon CHILDE, Man makes himself (1951). L'Orient préhistorique. Nouvelle édition, Paris, 1953, p. 166, s. "Civilization, Cities and Town", Antiquity, 31 (1957),

4 Jean-Paul DEMOULE, "Le néolithique, une révolution?", Le Débat, no20, mai 1982, p. 73, préfère parler de développement progressif. Nous partageons ce point de vue.

next page

[écrire à: Michel.Lopez@univ-lemans.fr][Mail to: Michel.Lopez@univ-lemans.fr]

[copyright Michel.Lopez@univ-lemans.fr]